Statistiques et exemple d’action sur notre territoire

 

L’aide à domicile est un secteur d’activité où le risque professionnel s’accroît, en parallèle de nombreuses créations d’emploi. Contrairement aux secteurs traditionnellement accidentogènes tels l’industrie ou la construction, les accidents du travail et les maladies ne cessent d’augmenter plaçant l’aide à domicile à un niveau de risque nettement plus élevé qu’en moyenne. En conséquence, les arrêts de travail ne cessent de s’allonger et les frais engendrés par les sinistres se comptent en millions d’euros.

 

 

 

Définition : l’emploi du secteur de l’aide à la personne

Les services à la personne, définis dans la Loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, recouvrent tous les services rendus aux particuliers à domicile ou à partir du domicile pour les tâches habituellement effectuées par les membres du foyer.

 

Elles sont regroupées en 3 catégories :

 

  • Les services de la vie quotidienne : ménage, repassage, petit bricolage et jardinage, livraison de repas…
  • Les services aux familles : garde d’enfants, accompagnement au déplacement, cours à domicile…,
  • Les services aux personnes dépendantes (âgées, dépendantes et handicapées) : aide aux actes de la vie courante, transport et aide à la mobilité, garde-malade, téléalarme, soins esthétiques et mise en beauté, assistance informatique à domicile, livraison de courses, soins et promenades d’animaux de compagnie…

 

Ce secteur très structuré compte 2 catégories d’employeurs:

 

  • Les particuliers qui emploient directement leur salarié. Ils bénéficient d’aide à la consommation (exonération de charges, réduction ou crédit d’impôts…).
  • Les organismes sous statut public (CCAS, SIVOM….), privé (entreprise, artisan, autoentrepreneur) et de l’économie sociale et solidaire (association, coopérative…).

 

Les statistiques des risques professionnels (accidents du travail et maladies professionnelles) du régime général sont effectuées pour les salariés des établissements dont le code APE est le 8810A Aide à domicile qui comprend les visites à domicile et les services d’auxiliaires de vie rendus aux personnes âgées et handicapées. Les salariés employés par les particuliers n’y sont pas inclus.

 

Un secteur économique très dynamique

 

Secteur contribuant à la dynamisation de l’économie, les métiers d’aide à domicile et d’aide-ménagère occupent la 3ème position dans le « Top 10 des projets de recrutement de non-saisonniers » (cf. Pôle emploi 2018) pour les Hauts de France (51 632 emplois possibles). Le besoin en main-d’œuvre est bien présent mais le secteur peine à recruter.

 

Le travail à temps partiel y est subi. En 2015, 53 % des salariés du secteur des services à la personne indiquent ne pas trouver d’emploi à temps complet contre 42 % pour l’ensemble de la population en emploi salarié (Dares août 2018 N°038).

 

Même si le travail du week-end n’est pas spécialement plus répandu dans ce secteur d’activité que dans l’ensemble de la population salariée, un salarié sur quatre du secteur travaille régulièrement les samedis et un salarié sur huit les dimanches.

 

Il y a donc un enjeu pour les structures d’améliorer la qualité des conditions de travail pour rendre ces métiers plus attractifs.

 

En termes de poids économique, l’aide à domicile représente 1 % de l’emploi du Régime général, avec plus de 16 800 salariés dans les Hauts-de-France en 2016. Ainsi, l’aide à domicile est le deuxième secteur pourvoyeur d’emplois de l’aide à la personne qui regroupe 59 800 salariés, soit 4 % de l’emploi. Ce secteur est très féminisé puisque 9 salariés sur 10 sont des femmes. C’est aussi un secteur dont la moyenne d’âge est plus élevée que sur les autres secteurs, avec 56 % de 45 ans et plus.

 

En dix ans, l’effectif salarié de l’aide à domicile a augmenté de 57 % alors que l’emploi total s’est rétracté de 3 %.

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie

 

 

Des accidents du travail en croissance rapide

 

 

On comptabilise 2 102 accidents du travail en 2016 dans le secteur de l’aide à domicile sur l’ensemble des Hauts-de-France. Ainsi, les accidents sont 3,5 fois plus fréquents qu’en moyenne et aussi deux fois plus fréquents que dans le secteur de la construction par exemple, secteur traditionnellement très accidentogène.

 

 

Au sein de l’aide à la personne de manière plus globale, les accidents du travail sont les plus fréquents dans l’aide à domicile que dans les soins à domicile, les maisons de retraite, l’hébergement pour personnes handicapées. Néanmoins, une dégradation marquée se constate pour les 4 secteurs, ce qui est contraire à la tendance observée en moyenne, pour les secteurs de l’industrie et de la construction notamment.

 

 

 

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie

 

 

 

Des contraintes professionnelles pouvant expliquer la sur-sinistralité

 

Selon les résultats de l’enquête Sumer[1], les salariés de l’aide à domicile sont plus exposés à certaines contraintes physiques, notamment les contraintes posturales et articulaires, les manutentions manuelles, le fait de devoir conduire un véhicule.

 

Les salariés de ce secteur sont soumis aux contraintes de l’habitat des bénéficiaires susceptibles d’accroître les contraintes posturales et articulaires. L’encombrement des espaces et le manque de matériel d’aide à la manutention sont les causes principales de cette exposition.

 

Les déplacements intrinsèques à leur activité accentuent ces contraintes en  plus de devoir se dépêcher pour réaliser les prestations prévues dans leur planning compte tenu des aléas possibles (situation chez le bénéficiaire, densité du trafic routier,…).

 

Les nombreuses manutentions manuelles constatées dans le métier d’aide à domicile sont souvent à l’origine d’accidents du travail, 41 % des cas d’accidents contre 27 % en moyenne dans l’ensemble des secteurs d’activité.

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie, année 2016

 

 

Des maladies professionnelles nettement plus fréquentes

 

En ce qui concerne les maladies professionnelles, 136 nouveaux cas ont été indemnisés en 2016 dans le secteur de l’aide à domicile.

 

L’indice de fréquence, s’il laisse entrevoir une légère baisse après des pics (2011 et 2013), ne masque pas que dans la réalité les maladies professionnelles sont trois fois plus fréquentes qu’en moyenne.

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie

 

 

Parmi ces cas reconnus, on constate une prépondérance des troubles musculo-squelettiques, des affections péri-articulaires dans la plupart des cas.

 

A noter que concernant les maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires (ou des bactéries), il s’agit principalement de cas de gale. Concernant les allergies, elles sont presqu’exclusivement cutanées (eczéma).

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie, données cumulées 2007-2016

 

 

 

Si l’on s’arrête sur ces troubles musculo-squelettiques, une majorité d’entre eux concerne le poignet, la main, le doigt. La répartition est à peu près la même que celle constatée dans l’ensemble des secteurs professionnels.

 

Les cas les plus graves, c’est-à-dire les troubles musculo-squelettiques ayant engendré une incapacité permanente partielle supérieure à 5 %, concernent d’abord l’épaule.

 

Source : Carsat Nord-Picardie, données cumulées 2007-2015

 

 

Les victimes de troubles musculo-squelettiques sont à 96 % des femmes et à 72 % des salariés de 45 ans et plus. Il faut cependant remettre ces chiffres dans le contexte d’emploi du secteur puisque l’emploi salarié dans l’aide à la personne concerne 90 % de femmes, et que 56 % des salariés ont 45 ans et plus. Ainsi, les TMS sont plus fréquents pour les salariés plus âgés du fait d’une exposition prolongée, même si un trouble musculo-squelettique peut se déclarer rapidement.

 

Des arrêts de travail plus longs

 

Les arrêts suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle sont globalement d’une durée plus longue dans le secteur de l’aide à domicile.

 

Non seulement, les arrêts sont plus longs qu’en moyenne, mais on constate un allongement de la durée des arrêts entre 2010 et 2016, tendance observée pour l’ensemble des sinistres.

 

 

Chiffres frappants, cela équivaut à 196 500 journées de travail perdues en région en 2016, suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, soit 873 équivalents temps plein.

 

 

Quelle que soit la cause, l’absentéisme dans ce secteur atteint un taux de 15 % contre 4,5 % pour l’ensemble des secteurs. L’absentéisme oblige les responsables à réorganiser les plannings d’activité, source d’épuisement pour l’encadrement et les salariés remplaçants.

 

 

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie

 

 

 

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie

 

  

Des frais engendrés toujours plus élevés pour des structures en tension financière

 

Le poids de l’atteinte à la santé des salariés pèse doublement pour ces structures tant sur le plan économique que sur leur capacité à répondre à la demande des bénéficiaires. L’amélioration des conditions de travail des salariés de ce secteur constitue donc un double enjeu à la fois de santé pour les salariés et un enjeu de santé économique dans un contexte où les difficultés de recrutement de ce secteur sont une évidence.

 

Le coût direct du risque professionnel est sur une tendance à la hausse, pour atteindre 8,9 millions d’euros dans l’aide à domicile en 2016. Ce coût, pour la Sécurité sociale, regroupe :

 

  • les prestations en nature (frais pharmaceutiques, hospitaliers et médicaux),
  • les prestations en espèces (indemnités journalières, indemnités en capital, rentes).

 

Ces frais sont repris pour le calcul des coûts moyens entrant dans la détermination des taux de cotisation accidents du travail/maladies professionnelles qui permettent de fixer le montant de la cotisation redevable par l’entreprise.

 

Pour terminer sur les notions financières, il est constaté que :

 

  • 75% du coût concerne les accidents du travail,
  • Ce coût s’est multiplié par 3,6 en 10 ans, du fait de la croissance du secteur mais surtout de la dégradation de la sinistralité,
  • Dans l’aide à domicile, sur une année, 531 euros par salarié sont engendrés pour la prise en charge du risque professionnel, contre en moyenne 260 euros par salarié, pour les sinistres imputés aux employeurs.

 

 

Source : Carsat Nord-Picardie

 

 

 

Des actions à mener : l’exemple de Cambrésis Emploi

 

Dans le cadre d’une action sur la Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences Territoriales (GPECT) menée depuis 2014 par Cambrésis Emploi (Maison de l’emploi du Cambrésis) sur son territoire et sur les métiers d’aide à la personne, 14 structures ont signé une convention en décembre 2017 les engageant à mener des actions de prévention des risques professionnels et de lutte contre l’usure professionnelle. Cette convention a été signée en partenariat avec le département du Nord, la Carsat Nord-Picardie et la Direccte Hauts-de-France.

 

 

Tout en s’assurant des prestations de qualité, les organismes signataires s’engagent à proposer à leurs salariés des emplois de qualité.

 

 

Mieux préparer les missions, mieux former les salariés, mieux anticiper les besoins en personnel et favoriser le soutien des salariés exposés le plus souvent à la souffrance des bénéficiaires et leur comportement parfois violent du fait de leur pathologie, autant d’actions qui visent à favoriser des emplois de qualité pour maintenir le personnel en place et rendre plus attractif ce secteur d’activité en pleine croissance.

 

[1] Sumer (surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) : enquête produite par le ministère du travail décrivant les expositions des salariés aux risques professionnels.