Mobiliser les différents acteurs de la prévention autour d’un projet permet d’aller plus loin. La société Lefrant-Rubco l’a bien compris en accompagnant son projet par les compétences conjointes de la Carsat Nord-Picardie et de l’Asmis[1]. Alors pourquoi pas vous ?
L’entreprise Lefrant-Rubco, située à Muille Vilette (80)est spécialisée dans la chimie. Elle créée des additifs pour l’industrie du caoutchouc, propose de la transformation chimique à façon[2], des dispersants écologiques pour peintures. Des activités variées… et des risques.

Le directeur, Thierry Geistel, avait en 2013 le projet de déménager le poste de mélange et conditionnement de la poudre. Ce poste était mal situé au sein de l’entreprise et occasionnait de nombreux trajets de chariot élévateur entre les bâtiments pour amener des sacs « big-bag » (de près d’une tonne) jusqu’à l’installation et les ramener, une fois le mélange opéré, jusqu’aux zones de stockage.

Conseillé par le médecin du travail quant à la démarche, le directeur a décidé non seulement de modifier le process en rapprochant l’installation et réduisant ainsi considérablement de nombreux risques (circulation, port de charges, vibrations, intempéries…), mais également de repenser la tâche en tenant compte des risques physiques et des possibles troubles musculo-squelettiques (TMS) auxquels étaient exposés les 3 salariés. Ceux-ci, âgés de plus de 55 ans, commençaient à être usés par leur travail et les mouvements qu’il occasionnait.

 

Transformer le poste de travail en situation de travail

Lefrant_RubcoLa société a donc créé un groupe de travail réunissant les opérateurs concernés, le service maintenance, la responsable QHSE et Nathalie Lachambre, ergonome du service de santé au travail Asmis. Un tel projet commence par l’analyse de l’existant : la manière de travailler a été filmée, visionnée, expliquée, puis transformée en tableau reprenant le scénario des actions, les explications par l’opérateur du poste de chaque contrainte gestuelle, organisationnelle et technique.

L’étape suivante fut la recherche de solutions techniques auprès des fournisseurs afin de travailler sur le budget du projet. Cependant le passage d’un simple déménagement à un projet d’amélioration, de ‘re-création’ du poste, multiplie les coûts par 3.

Sur les conseils de l’ergonome, le Directeur a fait appel à la Carsat Nord-Picardie pour l’expertise de ses préventeurs et pour les aides financières qu’elle peut apporter aux entreprises. En mars 2013 se déroule la première rencontre avec Emmanuel Delecourt, ingénieur-conseil de la Carsat. Très rapidement une solution d’accompagnement du financement est proposée par le biais d’une aide financière (voir notre encadré). Celle-ci a intégré à la fois la prévention des risques liés aux postures de travail et aux manutentions manuelles,  mais également la maitrise d’autres risques liés notamment à l’exposition à la silice et à l’utilisation d’hydrogène sulfuré.

Les changements s’opèrent à la date prévue initialement, lors de l’arrêt annuel de l’usine en août 2013. Les salariés reprennent leur poste par une semaine de formation, puis travaillent en doublon, avant de reprendre de manière normale.

Au final, l’ensemble du processus est amélioré : temps de trajet, de pesée, flux optimisé, manipulations des opérateurs simplifiées et sans contraintes. Ce qui engendre, de facto, des gains de productivité : une action gagnant-gagnant pour les acteurs de l’entreprise.

Aujourd’hui, satisfaite du projet mené en 2013, Lefrant-Rubco continue à repenser ses postes de travail, toujours accompagnée par l’ergonome de l’Asmis, et développe même des partenariats pour la création de solutions techniques adaptées avec l’Université Technique de Belfort Montbéliard.

Nathalie Lachambre, ergonome au sein de l’Asmis :

« Mon métier consiste à réintroduire, dans tout projet de conception, l’activité réelle des opérateurs : je suis une sorte de traducteur. En effet, il est important de ne jamais s’arrêter à ‘ce qu’on pense que les salariés font’ mais d’examiner la réalité.

J’entends souvent dire : ‘on a besoin de l’ergonome parce que l’opérateur ne fait pas bien son travail et/ou ne fait pas les bons gestes’. Il y a toujours une raison à chaque action ou à certains gestes qui permettent au corps de récupérer ; et je vais aider à les déterminer et à en comprendre les raisons afin que les projets tiennent compte de l’ensemble des besoins et des contraintes. Mais il faut se méfier de la notion de ‘bon sens’, car il s’agit de méthode.

Une bonne préparation, ainsi qu’une intervention de l’ergonomie organisationnelle en phase conception multiplient les chances de réussite du projet : elle permet d’aider à trouver des solutions adaptées et d’aider à ce que les investissements soient réalisés de manière efficace.

Nos maîtres mots sont « bien-être du salarié », et « performance économique » car tout est lié et interdépendant. Aujourd’hui, on parle à l’entreprise de performance globale : économique, écologique, sociale, sociétale, utilitaire.

Sur ce projet en particulier, il était intéressant de travailler avec une entreprise volontaire, à l’écoute et qui avait bien compris que l’opérateur était au cœur du projet. De plus, l’apport de la Carsat a permis à la fois d’identifier les risques et d’aider à aller plus loin et plus vite. Dans ce type d’entreprise qui effectue des tâches en petites séries, il est essentiel de sortir des systèmes de productions standardisés : le poste de travail doit devenir une situation de travail.

A l’Asmis, nous proposons des compétences en ergonomie, psychologie, hygiène, sécurité… Alors, n’hésitez pas à en échanger avec votre médecin du travail ! »

 

[1] Association pour les Services Médicaux Interentreprises du département

[2]Autrement dit, elle réceptionne les matériaux en fonction des besoins d’autres industries, les transforme et les réexpédie