Un exemple de gestion des relations entre l’entreprise utilisatrice et ses sous-traitants sur site

 

A une dizaine de kilomètres au sud de Cambrai : Les Rues des Vignes, un nom de ville peu banal pour une entreprise qui ne l’est pas moins. Et dans cette usine Royal Canin, une démarche de prévention en plein essor couplée à une approche singulière et innovante de la santé et la sécurité de tous, salariés, comme intervenants extérieurs.

 

 

 

Un groupe : des associés.

 

L’usine Royal Canin produit chaque année 200.000 tonnes de produits secs (plus connus par le grand public sous le nom de « croquettes »). Il s’agit d’un des plus gros sites à l’échelle mondiale concernant ce segment d’activité. La production est vendue dans 29 pays (notamment en Asie).

 

En matière d’hygiène alimentaire, les normes sont strictes. L’entreprise s’attache à respecter le besoin nutritionnel de l’animal, identique dans chaque pays, sans surenchérir dans les pratiques marketings qui parlent plus aux maîtres et à leurs envies. Ainsi la production « Royal Canin » n’est pas disponible dans la grande distribution, mais uniquement chez les éleveurs, les vétérinaires et dans la distribution spécialisée, là où un accompagnement personnalisé est possible.

 

 

La marque Royal Canin appartient au groupe Mars depuis 2002 et son site de Les Rues des Vignes dispose d’un effectif de 192 associés. Associés ? Oui, le terme est important par les valeurs sous-jacentes qu’il évoque. L’usine implique chacun dans la performance globale du site, le management participatif et la co-construction des actions, et ce particulièrement en matière de sécurité. Donc le terme « associés » prend ici tout son sens…

 

 

Interventions extérieures ?

A ces associés s’ajoutent des intérimaires et des salariés appartenant à des entreprises extérieures intervenant sur le site.

C’est dans cette même optique d’implication que l’usine travaille avec les salariés temporaires et les intervenants extérieurs : construire en commun des règles, les adopter, les faire vivre puis les améliorer ! Il s’agit de rendre tout le monde acteur de la santé et la sécurité au travail.

 

 

Intervenants extérieurs : prise en compte accrue suite à un accident de travail

L’entreprise Royal Canin est suivie depuis 2011 par Clément Corbier, Contrôleur de Sécurité à la Carsat Hauts-de-France. Il a travaillé sur le thème des entreprises extérieures en mars 2015 avec l’entreprise et constate des progrès à ce sujet. Il nous raconte : « Au cours des dernières années, l’entreprise a beaucoup progressé sur des sujets prioritaires tels que la gestion des interférences engins/piétons (séparation des flux, réorganisation des ateliers, déploiement de chariots autonomes équipés d’un système de détection des piétons, etc.). Néanmoins la survenue, en mars 2015, d’un accident du travail ayant eu pour victime un intervenant extérieur a nécessité de revoir certaines pratiques. Suite à l’analyse de cet accident en lien avec le CHSCT, Royal Canin a renforcé l’accueil et l’accompagnement des entreprises extérieures sur le site ».

 

 

La sélection des entreprises intervenantes est confiée à l’ingénierie usine (service technique, etc.) et 80 % des sous-traitants sont des entreprises connues de longue date et sélectionnées dans la sphère du groupe. En complément de cette logique de fidélisation, la sécurité est intégrée dès la phase de consultation des entreprises. Comme le précise M. Goetz (responsable HSE) : « On prend le temps de présenter les standards applicables et d’analyser les risques avant toute intervention. »

 

Dans l’usine, aujourd’hui, les exigences en matière de sécurité ont été revues à la hausse y compris pour les entreprises extérieures. Les conditions d’accès au site ont notamment été renforcées. Pour exemple, sur une journée de travail, le site accueille en moyenne 90 poids-lourds d’où une coactivité importante. Afin de limiter les risques, la plupart des remorques restent à l’extérieur de l’usine puis la navette est réalisée par une seule et même entreprise de transport avec des chauffeurs expérimentés qui connaissent les lieux. Ainsi, peu de transporteurs pénètrent sur le site ce qui limite les risques.

 

 

Dès le poste de garde, la politique de gestion des entreprises extérieures a été renforcée :

  • L’aménagement du parking et la signalisation ont été modifiés avec la mise en place d’un système de badges qui facilite la prise en charge des intervenants extérieurs par les donneurs d’ordres.
  • Au sein de l’usine, un sas a été aménagé afin de sensibiliser les nouveaux embauchés et les intervenants extérieurs. On y trouve plusieurs supports visuels dont un synoptique de l’usine et des différents chantiers en cours. A noter également l’affichage des permis de travail en cours de validité.

 

 

A noter également :

  • La formation des donneurs d’ordres Royal Canin en charge de la gestion des entreprises extérieures.
  • Une demi-journée de sensibilisation à destination des intervenants extérieurs, accompagnée d’échanges fréquents sur les améliorations à apporter à la démarche.
  • La diminution des plans de prévention annuels au profit de plans de prévention ponctuels mieux adaptés aux spécificités des travaux à réaliser.
  • Le déploiement, pour certaines interventions, de permis de travail, de permis de feu, d’autorisation de pénétrer en espaces confinés et/ou de permis de travaux en hauteur.
  • Des audits sécurité et des inspections de chantiers réalisés auprès des entreprises extérieures par les donneurs d’ordres et le service HSE de l’entreprise utilisatrice.

 

 

Procédure de consignation LOTO (LockOut / Tag Out)

Conformément aux standards du Groupe Mars, la procédure de mise en sécurité des équipements de travail a également été revue. Des aménagements techniques et organisationnels ont permis de renforcer la sécurité des salariés intervenant sur ou à proximité des machines. A titre d’exemple, les organes en mouvement (palettiseurs, etc.) ont été grillagés et l’accès dans ces zones à risques est réglementé par un dispositif de verrouillage à transfert de clefs. Chaque intervenant dispose d’une clef nécessaire à la remise en service de l’installation ce qui limite les risques de redémarrage intempestif.

 

Suite à ces aménagements, les salariés ont reçu une formation aux opérations à effectuer.

 

 

Se rassembler et réfléchir pour ouvrir les consciences et modifier les comportements

 

Nicolas Perrin, directeur, est responsable du site depuis l’automne 2015.

 

Il nous explique l’origine de la démarche : « Nous avons beaucoup œuvré pour la sécurité des salariés. Cependant, suite à une dégradation de nos indicateurs sécurité et à un presqu’accident particulièrement marquant, nous avons décidé d’arrêter l’usine et de rassembler les associés, les intérimaires et les entreprises extérieures dans le but d’échanger et d’ouvrir les consciences. Cet acte fondateur a eu lieu le 27 novembre 2015.

 

Il était important pour nous de ‘marquer les esprits’ pour débuter une nouvelle ère de prévention active et entreprendre un travail de fond basé sur la démarche BBS (Behaviour Based Safety*). D’où cet arrêt total de l’activité, ces groupes de travail et ces rencontres.

 

En effet, on parlait beaucoup de sécurité et de nombreuses actions techniques ou organisationnelles étaient mises en place mais sans jamais réellement s’interroger sur les comportements dangereux qui persistaient. De plus, les associés ne participaient pas à la réflexion de fond. Nous avons constaté trop de tolérance et de dérives, avant la mise en place de cette nouvelle dynamique. Nous étions orientés vers les aspects techniques et organisationnels, mais pratiquement jamais sur l’humain.

 

Aujourd’hui nous notons un changement significatif. A titre d’exemple, toute réunion commence désormais par un point sécurité, avant de traiter les autres sujets (production, qualité, etc.). Et cela passe également par l’application de 10 règles d’or sécurité construites en commun.

 

Nous réinvestissons dans l’entreprise, nous mettons en avant le savoir-faire et limitons le recours à la sous-traitance. Cette dynamique est à la fois locale, mais elle est également partagée dans l’ensemble du groupe, à l’échelle mondiale. »

 

La démarche BBS

L’encadrement, le CHSCT et un correspondant en charge du suivi des intérimaires (à demeure sur le site) ont été formés sur la thématique BBS en 5 modules de 4h, étalés sur 6 mois. Depuis septembre 2016, est mise en place une observation mensuelle aléatoire d’une situation de travail par un binôme d’auditeurs. Cet exercice dure 15 à 30 minutes puis est conclu par un échange avec l’opérateur observé.

 

 

A la sortie des vestiaires, pour se rendre à son poste de travail, les salariés passent par le sas sécurité (les 10 règles d’or y sont notamment affichées) et le distributeur d’EPI (Equipements de Protection Individuelle) où ils retirent, au moyen de leurs badges, les équipements nécessaires en fonction de leurs besoins.

 

Dans les lieux de réunion sont mises en avant des fiches d’amélioration continue (modèle DMAIC**) afin de faciliter la remontée des situations à risques. Les fiches sont non seulement déployées, mais animées quotidiennement en briefing et les plans d’actions sont suivis à l’aide d’un tableau informatisé.

 

 

Travaux avec des Entreprises Extérieures, une publication, une offre de service…

Si vous avez, vous aussi, recours à l’intervention d’entreprises extérieures, nous ne pouvons que vous conseiller quelques éléments qui vous guideront :

 

Et n’oubliez pas que votre ingénieur-conseil ou votre contrôleur de sécurité de la Carsat Hauts-de-France est là pour vous accompagner et vous épauler sur cette thématique.

 

 

Comportement, vous avez dit comportement ?

 

Les principes généraux de prévention interpellent le salarié, notamment le 9e principe « Donner des instructions appropriées aux travailleurs ». Laurent Huglo, Ingénieur-conseil régional de la Carsat Hauts-de-France ajoute :

 

« Il est important d’interroger, à un moment ou un autre, le facteur humain et les aspects comportementaux une fois que les mesures de prévention liées à l’organisation du travail et la technique ont été investiguées. En aucun cas, le seul comportement ‘adéquat’ ne saurait être la seule mesure de prévention car celui-ci est lié au travail réel qui peut être différent du travail prescrit. Ce sont les écarts éventuels qui doivent être interrogés et travaillés ».

 

 

*Behaviour Based Safety : Approche comportementale basée sur l’implication des employés impliquant les mesures de comportements comme base de l’excellence en SST par la création d’une culture d’entreprise sécuritaire.

** Define, Measure, Analyze, Improve and Control : une méthode de résolution de problème.